RDC: le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat sont-ils sur la scène internationale les principaux acteurs de la diplomatie parlementaire ? [ Tribune de Maître TSHIYAYA KASONGO]

RDC: le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat sont-ils sur la scène internationale les principaux acteurs de la diplomatie parlementaire ? [ Tribune de Maître TSHIYAYA KASONGO]
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L’opinion congolaise s’interroge sur le rôle que joue le Parlement dans le domaine de la diplomatie. Habituée à la diplomatie essentiellement politique menée par le Président de la République ou le Ministre ayant en charge la diplomatie et les affaires étrangères, la population n’a cependant pas une appréhension adéquate du rôle des parlementaires dans ce secteur clé. Dans cette tribune, Maître Tshiyaya Kasongo, Avocat de son état, apporte la lumière sur le sujet.

Dans le domaine des relations internationales, l’émergence de la diplomatie parlementaire remonte au début du 21ième siècle. Définie laconiquement comme étant la diplomatie exercée par les représentants du Peuple siégeant au Parlement, la diplomatie parlementaire est complémentaire de celle menée par les organes du pouvoir exécutif. Cependant, certains Gouvernements ne voient pas d’un bon œil le rôle joué par les parlementaires sur la scène internationale, craignant ainsi que ces derniers leur fassent ombrage. Or, pour un Etat comme la République démocratique du Congo, fragilisé par des guerres multiples provoquées par quelques pays limitrophes, les députés nationaux et les sénateurs en mission officielle à l’étranger peuvent légitimement entreprendre des actions diplomatiques allant dans le sens de la prévention et de la résolution des conflits, de la recherche et de l’instauration de la paix, de la défense des valeurs démocratiques et de la promotion du développement.

Dans la pratique, la diplomatie parlementaire se déploie d’une part, par le biais des relations de Parlement à Parlement ; et d’autre part, au sein des organisations parlementaires internationales. S’agissant de la diplomatie de Parlement à Parlement, celle-ci vise les rapports de coopération directs entre les parlementaires d’un Etat donné avec leurs homologues étrangers.

Alors qu’au sein des organisations parlementaires internationales, les députés nationaux ou les sénateurs y mènent d’intenses activités diplomatiques en rapport avec l’adoption des instruments juridiques sur les changements climatiques, le respect des droits humains, les objectifs de développement durable, etc. C’est là que sont prises les décisions majeures sur l’avenir de la planète ; que les parlementaires en provenance de différents pays se retrouvent dans les couloirs et négocient en amont la prise des résolutions à vocation universelle. D’où, il faut investir les instances internationales chaque fois que des réunions sont convoquées.

A ce jour, le Parlement congolais est membre des organisations interparlementaires ci-après : l’Union interparlementaire (UIP), l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), l’Union Parlementaire Africaine (UPA), le Forum des Parlements des Etats Membres de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (FP-CIRGL), le Forum Parlementaire de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (FP-SADC), le Parlement Panafricain (PAP), l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes, du Pacifique et Union Européenne (ACP-UE). Cependant, la participation du Parlement congolais aux assises de ces organisations n’est toujours pas un long fleuve tranquille, elle est généralement perturbée par l’accumulation des dettes de cotisations à honorer, notamment à cause des procédures alambiquées au niveau de la chaine nationale de la dépense placée sous la supervision du Gouvernement de la République. Il est parfois ahurissant de voir les parlementaires congolais être privés du droit de parole et de vote, simplement parce que le pays est insolvable, alors que d’autres pays amis qui n’ont même pas l’envergure de la République démocratique du Congo, sont en ordre de paiement de leurs cotisations.

Qu’à cela ne tienne, venons-en maintenant au vif de notre sujet. En effet, vu le rang éminemment prestigieux et politique occupé par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, il est clair que ce sont eux les principaux acteurs de la diplomatie parlementaire, même s’il est vrai qu’ils ne sont pas les seuls à agir dans leurs Chambres respectives dans le domaine des relations extérieures. Ils ont donc des pouvoirs exorbitants en la matière, leurs actions diplomatiques sont essentiellement axées sur l’exercice des fonctions de représentation internationale, de fonctions institutionnelles internationales et l’organisation des réceptions solennelles dans l’hémicycle du Palais du Peuple. Bien plus, comme cela sera démontré dans la présente étude, les deux speakers des Chambres du Parlement effectuent par moments, à titre subsidiaire, des missions dans le domaine des affaires étrangères en qualité d’envoyés spéciaux du Président de la République.

Primo, s’agissant de l’exercice de fonctions de représentation internationale, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat ont un agenda international très chargé, ils accordent régulièrement des audiences à diverses personnalités étrangères en visite ou en mission en République démocratique du Congo. Leurs entretiens portent sur des questions d’ordre politique, diplomatique, culturel, socio-économique, etc.

Parmi les hôtes officiels étrangers qu’ils reçoivent dans leurs cabinets respectifs du Palais du Peuple, l’on peut citer : les présidents ou les délégations d’assemblées parlementaires, les chefs de Gouvernement, les ministres, les responsables des organisations internationales, les diplomates en mission ou accrédités en République démocratique du Congo et d’autres personnalités.

Les audiences accordées par les Présidents des deux Chambres du Parlement sont le fruit d’une longue et studieuse préparation. Très souvent, le ministère des affaires étrangères adresse au Président de l’Assemblée nationale ou au Président du Sénat une note verbale de demande d’audience formulée par une personnalité étrangère via sa représentation diplomatique en poste à Kinshasa. Cette note verbale contient l’objet de l’audience sollicitée, les noms des hôtes et des accompagnateurs. Ensuite, après réception de la note verbale, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat marque son accord s’il juge le rendez-vous opportun.

La veille de l’audience, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, le chef du Protocole et le conseiller diplomatique travaillent d’arrache-pied car c’est eux qui élaborent chacun en ce qui le concerne, les notes à soumettre à la meilleure attention du Président. Celle du chef du Protocole contient le chronogramme de l’entretien, les noms des personnalités nationales et étrangères devant assister à la réunion. Tandis que le conseiller diplomatique présente, quant à lui, une note d’entretien comprenant une série de propositions sur des éléments de langage à utiliser par le Président durant l’audience, ainsi qu’un état des lieux de la situation politique, socio-économique prévalant dans le pays de l’hôte qui sera reçu. Dans la même note, le conseiller diplomatique peut aussi dresser les atouts et les avancées de la République démocratique du Congo dans un domaine bien précis.

Le jour du rendez-vous, la personnalité étrangère, accompagnée par les services du Protocole, fait son entrée dans le bureau du Président de l’Assemblée nationale ou de celui du Sénat. Et juste après la présentation des civilités, la réunion prend une tournure confidentielle et politico-diplomatique.

Par ailleurs, hormis les audiences, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat effectuent régulièrement plusieurs déplacements à l’étranger tantôt pour répondre aux invitations à des séances de travail leur adressées par les organisations parlementaires internationales, tantôt pour raffermir ou nouer les liens avec les parlements des pays amis. Ces déplacements sont d’une importance capitale dans la mesure où le pays en tire des dividendes à travers la conclusion des accords de coopération bilatérale ou multilatérale.

A cet effet, relatant dans ses Mémoires son expérience à la tête de la Chambre Haute du Parlement, l’ancien Président du Sénat, l’Honorable Léon Kengo wa Dondo, énumère les voyages officiels effectués à l’étranger durant son mandat et cite un cas où cela a permis d’atténuer en Afrique du Sud, le sentiment de xénophobie qui se développait contre la communauté congolaise y vivant (KENGO WA DONDO, La Passion de l’Etat, Mémoires, l’Harmattan, Paris, 2019, p. 280).

Secundo, concernant les fonctions institutionnelles internationales sus-évoquées, les Présidents des deux Chambres du Parlement assurent fréquemment, selon le cas, le leadership des structures de certaines organisations parlementaires internationales. Par exemple, il fut un temps où l’Honorable Aubin Minaku était à la fois Président de la Chambre basse de l’Assemblée nationale congolaise et Président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.

Tertio, au sujet de l’organisation des réceptions solennelles au Palais du Peuple, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat reçoivent d’habitude dans cet hémicycle plusieurs invités de marque venus de l’étranger pour des séances académiques et ce, suivant un programme minutieusement établi par le protocole d’Etat. Parmi ces invités, l’on peut citer : les Chefs d’Etat, les Chefs de Gouvernement et d’autres personnalités internationales. A titre d’illustration, les Chefs d’Etat ci-après furent reçus au Palais du Peuple : M. Nicolas Sarkozy, Président de la République française, le 26 mars 2009 ; M. Abdullah-Gul, Président de la République de Turquie, le 15 mars 2010 ; M. Alain Berset,  Président de la Confédération helvétique, le 13 avril 2023.

Et enfin, quarto, dans des circonstances purement exceptionnelles, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat peuvent être appelés à exécuter à l’étranger le rôle de messager personnel ou d’envoyé spécial du Chef de l’Etat soit si son emploi du temps ne le permet pas, soit dans le cadre d’une diplomatie parlementaire complémentaire de celle menée par le pouvoir exécutif. Le choix porté par l’autorité suprême du pays sur ces deux hauts personnages du Parlement est probablement dicté par des critères fondés sur l’expérience professionnelle, le climat politique national, la loyauté, etc. Sur ce dernier point, il serait quand même surréaliste de voir un Président de la République se faire représenter à l’étranger par un émissaire qui, du reste, ne l’inspire pas confiance.

Dans les annales parlementaires, il existe de nombreuses situations pour lesquelles le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat a été désigné comme le « missus dominicus » du Chef de l’Etat.


Sous le règne du Président de la République Joseph Kabila, le Président de l’Assemblée nationale, l’Honorable Vital Kamhere, s’était vu assigner la mission de représenter le Chef de l’Etat au 24ième sommet France-Afrique, à Cannes, en 2007.

En 2014, le Président du Sénat, l’Honorable Léon Kengo wa Dondo, était chargé par le Président de la République de se rendre au Congo- Brazzaville pour solliciter auprès du Président de la République la suspension de l’opération d’expulsion dénommée « Mbata ya Mokolo ». A titre de rappel, cette opération visait le refoulement des étrangers en séjour irrégulier sur le territoire de la République du Congo. Cependant, elle était au cœur d’une crise diplomatique entre Kinshasa et Brazzaville car les congolais originaires de la RDC étaient expulsés dans des conditions inhumaines.

Sous la présidence actuelle du Président de la République, Felix – Antoine Tshisekedi, l’on note qu’en 2022, il s’est fait représenter par le Président de l’Assemblée nationale, l’Honorable Christophe Mboso, aux obsèques de la reine d’Angleterre Elisabeth II. Ce dernier était porteur d’un message spécial destiné à la famille royale.

Aussi, en avril 2023, le Président du Sénat, l’Honorable Modeste Bahati, a représenté, le Président de la République à la 3ième Session Extraordinaire du Conseil des Chefs d’Etat et du Gouvernement du Golfe de Guinée, tenue à Accra, au Ghana.

Bref, voilà donc en quelques lignes, tel que démontré ci-haut, le rôle prépondérant joué sur la scène internationale par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat.

Rédaction

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