Kasaï oriental : « Les chefs coutumiers manipulés par les députés sont incapables de résoudre les conflits », regrette Nana Manuanina

Kasaï oriental : « Les chefs coutumiers manipulés par les députés sont incapables de résoudre les conflits », regrette Nana Manuanina
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Les conflits intercommunautaires dans la province du Kasaï oriental n’ont pas seulement des causes endogènes mais aussi exogènes. Ils proviennent entre autres des chefs coutumiers manipulés par les députés provinciaux. Du coup, les conflits deviennent plus forts que les chefs traditionnels, a fait remarquer Nana Manuanina ce lundi 23 Août.

Au cours de son adresse aux forces vives de la population, la ministre délégué près le chef de l’État Nana Manuanina a dressé un tableau sombre d’un Kasaï oriental miné par plusieurs difficultés causées entre autres par la manipulation des chefs coutumiers par les députés provinciaux. Conséquences, ces autorités traditionnelles ont perdu leur capacité à régler les conflits.

« Je me rappelle que avant, quand il y avait un conflit, ça se résolvait déjà au niveau des notables sans nécessairement aller à la commune ou je ne sais pas au gouvernorat. Mais aujourd’hui les chefs sont devenus incapables de résoudre les conflits« , a constaté la ministre Manuanina.

La ministre déléguée près le chef de l’État a condamné avec la dernière énergie le fait que les élus provinciaux utilisent des billets verts pour soudoyer les chefs coutumiers. Ces derniers en font eux-aussi usage pour corrompre le mental des jeunes.

« Les députés ne vont pas rester pour toujours. Ils passeront. Mais comment vous pouvez vous laisser prendre ? On vous propose des choses inutiles que vous gobez et que vous mettez en pratique ! Vous avez une part de responsabilité. Ne croyez pas que ça passe inaperçu, que les gens ne savent pas tout ce qui se fait la nuit. C’est connu. Rien n’est gardé secret longtemps sur cette terre des hommes », a-t-elle dit aux chefs traditionnels.

« Vous instrumentalisez les jeunes avec de l’argent maudit. Vous leur donnez des 10.000 FC, 5000 FC pour qu’ils foutent des troubles. Déjà vous les maudissez. Parce que cet argent ne leur servira à rien. Et puis vous les déformez. Pensez à votre vieillesse…vous instrumentalisez les jeunes. Ils vont apprendre des antivaleurs. Ils vont vous gérer demain. Vous allez mal vieillir. Parce qu’ils vont faire ce qui ne va pas vous plaire. Et ils le feront parce que, c’est ce qu’ils ont appris de vous », a dit professeur Manuanina avant d’ajouter :

« Ils se sont donnés un travail vain de pouvoir se diviser, de pouvoir déformer la population, de pouvoir soutenir les antivaleurs. Vous êtes chefs, vous avez une portion de pouvoir, une portion de terre à gérer, comment vous gérez ? Comment pouvez-vous dormir tranquillement sachant que demain si deux personnes de deux communautés différentes se rencontrent, elles vont se battre, s’entretuer ? Et vous êtes en paix avec ça. Vous rendrez compte. Si vous ne payez pas vos péchés, vos enfants vont payer vos péchés ou vos futures générations. Vous ne faites que semer. Mais pensez à ce que vous allez recolter. Et pire encore, ça c’est la province du chef de l’État. C’est la province qui devait être exemplaire. Que le chef se batte à aller parler dans d’autres provinces mais ici, que le chef (de l’État) se dise, ma province est modèle. Mais malheureusement c’est ici où ça ne va pas ».

Un Kasaï oriental divisé à tous les niveaux

La ministre déléguée près le Président de la République n’a pas caché son indignation face aux divisions multiformes constatées dans la province. Pas de cohabitation entre communautés, pourtant des défis d’ordre social sont encore énormes.

« Nous n’avons pas d’infrastructures. Nous n’avons pas un pouvoir d’achat. Nous ne pouvons pas scolariser nos enfants. Nous sommes incapables d’envoyer nos enfants à l’étranger. Nous n’avons du courant. Pas des routes. Pas d’eau. En plus de ça déjà qui pèse sur nous, nous avons décidé de nous ajouter des conflits. Ça m’a fait mal d’apprendre qu’il y a des communautés ici qui ne peuvent pas se marier pendant que nous épousons des étrangers. Il y a des communautés qui ne peuvent pas acheter les biens dans l’autre communauté. Il y a des communautés qui ne peuvent pas se parler. Je me suis posée la question de savoir où sommes-nous ? Toujours au Congo ? Le Congo de nos ancêtres qui était uni au départ ? Que faisons-nous de notre nation ? Des divisions, des tribalismes« , a déploré l’hôte du Kasaï oriental.

Détournement des deniers publics

Manuanina Kihumba a par ailleurs décrié les taxes de trop perçues au niveau local alors qu’elles relèvent du niveau national. Elle a aussi déploré le détournement des deniers publics par des agents de l’État.

« S’il faut entrer dans les institutions de l’État vous verrez que ce sont les mêmes représentants de l’État qui eux-mêmes détruisent. Un individu ne peut pas venir détourner dans une institution de l’État. Ce ne sont que les agents de l’État eux-mêmes. Des taxes, j’ai appris au niveau de la province, des taxes qui devraient être prises en charge par le national et tout ça au détriment de qui? De notre propre population. Nous ne le faisons pas aux étrangers. Mais nous avons perdu le cœur. Ça c’est l’état des lieux. Si nous faisons ça au Congo, dans nos propres provinces, alors face aux étrangers nous sommes dangereux. Que ferons-nous auprès des étrangers ? », s’est-elle interrogée.

A l’en croire, « le Président est très inquiet » parce qu’il s’est rendu compte que, le pays va très mal. Malheureusement les personnes sur qui il peut compter (ses frères Kasaïens ) ne l’aident pas à redresser le pays. Ils ne font pas preuve de cohésion entre eux, n’ont pas d’amour du prochain, pas d’unité et ne l’accompagnent en rien le chef de l’État.

La messagère de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo terminé son speech par des recommandations formulées à toutes les forces vives en général et en particulier aux pasteurs et députés provinciaux.

« Prenons conscience s’il vous plaît et acceptons de changer… le Président dit, « il est temps que chacun de nous, dans son domaine puisse prendre conscience et participer à construire notre pays. Vous êtes pasteur, prêchez pour que nous puissions abandonner les antivaleurs, pour que nous puissions développer l’amour de la patrie, pour que nous puissions apprendre à accompagner l’État. Vous êtes députés, plaidez pour la population, votre population. Plus vous plaidez, plus vous la mettez à l’aise, plus elle va vous soutenir davantage », a recommandé Nana Manuanina.

Marc Valentin Kalcind

Rédaction

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