RDC: sortie du gouvernement Suminwa entre crise sécuritaire et appétits des pouvoirs des cadres de l’Union sacrée
Le weekend dernier, la porte-parole de la présidence de la République Tina Salama laissait les Congolais dans la soif de la nouvelle tant attendue. Sur son compte Twitter, elle indiquait que la présidence allait faire une grande annonce. Pour beaucoup de Congolais, il s’agissait de la sortie du gouvernement. Ce qui n’a pas eu lieu. Déception et désolation, c’est cela le ressenti des Congolais qui traversent une crise sociopolitique et sécuritaire sans précédent.
Tout le monde attend la sortie de la nouvelle équipe gouvernementale pour connaître un dénouement. Depuis sa nomination en avril dernier, la Première ministre Judith Suminwa Tuluka n’a pas encore de gouvernement. Elle poursuit encore des tractations pour proposer une mouture qui va plaire non seulement au président de la République Félix Tshisekedi, mais aussi à l’Union sacrée dont les membres souhaitent participer au partage du gâteau.
Deux mois après, la Première ministre Judith Suminwa Tuluka ne jouit toujours pas de ses fonctions. Elle n’a pas de gouvernement. Les appétits de pouvoir de certains membres de la majorité présidentielle bloquent la constitution du dernier format. Selon nos informations, la première femme à être nommée Première ministre a rencontré le président Félix Tshisekedi qui aurait refusé que les ministrables soient issus des membres de famille de certains chefs des regroupements politiques et aurait voulu que les femmes soient nettement représentées.
Il faut souligner que la constitution du gouvernement en République démocratique du Congo a souvent été une étape assez complexe pour le formateur. Il est souvent obligé de ratisser tout le monde et s’accorder sur les propositions des partis politiques ou des regroupements pour sortir sa dernière mouture. Même si des frustrations demeurent toujours.
Pour mieux comprendre tout cela, il sied de dire que l’histoire politique de la République démocratique du Congo a déjà acquis cette tradition. Dans un régime semi-présidentiel où le gouvernement est responsable devant le parlement, tenir compte des forces en présence au niveau de l’Assemblée nationale reste indispensable pour avoir un gouvernement dont le consensus serait mieux abouti.
Trois ans avant, sous le régime Tshisekedi, Jean-Michel Sama Lukonde, Premier ministre sortant, est nommé. En février 2021, il est chargé par le président de former un nouveau gouvernement. C’est finalement en avril, soit deux mois après, qu’il sort son gouvernement. Il est donc investi Premier ministre, lui et son gouvernement.
Même chose pour Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Le 20 mai 2019, Sylvestre Ilunga Ilunkamba est nommé Premier ministre par le président Félix Tshisekedi, à la suite de négociations avec le président sortant, Joseph Kabila. C’est le 14 août 2019 qu’il sort une première mouture du gouvernement, qui est d’ailleurs, rejetée par le président de la République à cause du non-respect de la parité. C’est le 26 août 2019, soit trois mois après sa nomination, que Sylvestre Ilunga dévoile l’équipe de 65 membres qui compose son gouvernement.
Si on va encore plus loin. Il y a lieu de remarquer que la formation du gouvernement a été toujours un processus difficile. Sous Joseph Kabila, bien que la majorité présidentielle a été acquise à l’ancien président, il n’a jamais été facile de sortir le gouvernement dans un temps record. Samy Badibanga est nommé Premier ministre le 17 novembre 2016. C’est le 19 décembre 2016 qu’il dévoile son équipe gouvernementale, soit un mois.
Le 7 avril 2017, Bruno Tshibala est nommé par l’ancien président Joseph Kabila, Premier ministre de la république démocratique du Congo à la suite d’un accord négocié sous l’égide de l’Église catholique afin que le poste revienne à un membre de l’opposition. Il forme le gouvernement Tshibala le 9 mai, soit un mois après.
A partir de ce petit rappel, on peut comprendre que les gouvernements Badibanga et Tshibala auront pris moins de temps dans leur constitution au cours de ces dernières années.
Ronsard Luabeya