Kasaï oriental: les tribunaux de paix inopérants dans les territoires, les justiciables obligés de parcourir des distances pour comparaître à Tshilenge

Kasaï oriental: les tribunaux de paix inopérants dans les territoires, les justiciables obligés de parcourir des distances pour comparaître à Tshilenge
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Les tribunaux de paix dans les cinq territoires de la province du Kasaï oriental sont inopérants. Conséquence, les justiciables sont obligés de parcourir de longues distances qui prennent un à deux jours pour arriver au parquet près le tribunal de grande instance de Tshilenge pour y être entendus et jugés.

De Kabeya Kamuanga à Miabi, en passant par Lupatapata, Katanda et Tshilenge, les Tripaix sont soit fermés, soit inexistants. Tous les dossiers judiciaires se traitent à des centaines de kilomètres des lieux d’infractions. Une situation qui ne reste pas sans incident d’abord lié aux conditions de déplacement d’un présumé auteur d’un fait répréhensible par la loi. Ensuite, l’incident lié à l’administration même de la justice.

Les magistrats affectés dans les différents tribunaux de paix du Kasaï oriental ont soit obtenu des bourses pour l’étranger soit abandonné leur poste pour faute de moyen de transport pour rejoindre lieu de travail. Ils préfèrent rester à Mbujimayi où ils habitent, du coup ces tribunaux sont fermés.

Les justiciables emmenés sur moto vers Tshilenge

« Lorsque vous volez à Munkamba [ dans le territoire de Kabeya Kamuanga], votre juge naturel c’est Tshilenge. Parce que le parquet près le tribunal de grande instance de Tshilenge couvre tous les cinq territoires de la province du Kasaï oriental, sauf la ville de Mbujimayi. On vous arrête à Munkamba, on vous arrête à Miabi, à Tshijiba, à Mupompa, votre juge naturel c’est Tshilenge», explique Maître Justice Tshiamala, membre du centre des droits humains et droit humanitaire (CDH).

C’est la moto qui est le moyen de transport idéal pour emmener les justiciables d’un bout de la province à Tshilenge. Ce déplacement peut prendre un à deux jours de route. La personne emmenée arrive toute fatiguée, avant d’être jeter au cachot. L’homme devra affronter la faim dans son vrai sens du terme. Éloigné de sa famille qui vit comme à l’autre bout du monde, il n’a personne pour lui apporter à manger. Obligé de passer deux, trois ou quatre jours dans ce cachot, en attendant les enquêtes, le prévenu va être forcé à jeûner.

« Quand on vous emmène, on vous jette dans le cachot. Lorsqu’on vous jette là bas, qui va vous amener à manger? C’est le procureur qui n’est pas payé et qui n’est pas mis dans de bonnes conditions parce qu’il n’habite pas à Tshilenge ? Il vient le matin et rentre le soir à Mbujimayi. Pendant que le parquet de Tshilenge fait des investigations ou des enquêtes pour instruire ton dossier, tu passes des nuits affamé…On t’a amené deux jours. Les enquêtes prennent deux ou trois jours. Tu peux te retrouver cinq jours, tu n’as pas mangé ou tu n’as du tout manger», ajoute cet acteur de droit de l’homme.

L’administration de la justice exposée à dure épreuve

Les conditions de l’administration de la justice dans les territoires exposent généralement les procureurs à de dures épreuves. Étant donné la distance parcourue pour arriver à l’office du juge naturel, ce dernier éprouve des difficultés à réunir les preuves, interpeller les témoins et confronter les plaignants. Faute de retenir le prévenu au-delà du délai prévu par la loi [48h], même si généralement ce délai est violé, le procureur décide d’envoyer l’homme en prison.

C’est dans cette maison carcérale que le prévenu a au moins la chance de manger quelque chose. Le temps passé affamé ne sera pas sans conséquence. Plusieurs détenus qu’abrite la Prison Centrale de Mbujimayi (PCM) meurent à cause d’une mauvaise alimentation ou de manque de nourriture. La plupart se trouvent arrêtés pour des faits bénins. Une fois emmenés devant le procureur à Tshilenge, ils ont juste deux à trois jours pour être transférés à la prison où ils vont malheureusement mourrir.

La solution à ce problème, c’est la prise de conscience de cet état de chose. Le gouvernement congolais par le biais du ministre en charge de la justice devrait se relever et proposer des pistes de solution pour que d’une part, les magistrats devant siéger dans les territoires et les différents auxiliaires de justice soient totalement pris en charge. Ils doivent avoir des logements dans leurs tribunaux d’affectation. L’État congolais devrait doter aux magistrats siégeant dans les territoires des moyens de transport et des frais de fonctionnement. Agir autrement, serait lutter contre l’État de droit.

Marc Valentin Kalcind

Rédaction

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